lundi 10 décembre 2007

American Psycho

"[...]Là où la plupart de ces jeunes arrivistes se contentent de mépriser les pauvres, Bateman les tue. Là où on détruit socialement ses rivaux, Patrick Bateman les assassine. Et quand les hommes traitent les femmes avec mépris, lui les abat. [...]". Cette citation de la toute récente réalisatrice Mary Harron résume à elle seule le film. Après son premier coup d'essai fulgurant "I Shot Andy Warrol", elle se jette à corps perdu dans l'adaptation d'un livre hautement controversé pour son écriture cynique et sa vision pessimiste de la réussite à l'américaine. L'auteur n'étant que le non moins illustre Bret Easton Ellis, adapté à plusieurs reprises avec "Less Than Zero" (injustement renommé "Neige sur Beverly Hills") de Marek Kanievska, "The rules of attraction" de Roger Avary, ainsi que le très imminent (on croise les doigts) "Glamorama" et "The Informers".

American Psycho n'est autre que le fruit défendu de la bibliographie d'Ellis, aussi ravageur qu'une mine anti-personnelle dans un square un après-midi d'été. Le personnage de Patrick Bateman, en proie à ses démons, ne trouve le réconfort qu'en se libérant de ses pulsions meurtrières. Il se livre à son "passe-temps" sans relâche, etqui plus est de plus en plus fréquemment. Le film est une satire de la société américaine de la fin des années 80, alors que l'essor économique est on ne peut plus enviable et que Wall Street ne cesse de gonfler son portefeuille. L'incessante lutte pour le pouvoir et la reconnaissance éternelle s'ilustre par des scènes ô combien hilarantes une fois sorties de leur contexte, comme celle où ses "golden boys" affairés comparent leurs cartes de visite. Les hommes d'affaires ont soif de pouvoir et sont semblables à des vampires assoiffés d'argent, imagé dans le long métrage par le fait que ses hommes machos et intouchables ne pensent qu'à manger au restaurant.

Au niveau technique, c'est du lourd. Christian Bale incarnant le psychopathe névrosé d'Ellis jusqu'au bout des ongles. Willem Dafoe joue un enquêteur mystérieux et assez similaire à Bateman. Les autres seconds rôles sont tous parfaits (Jared Leto, Reese Whiterspoon,...)Quant à la mise en scène, le directeur de la photographie n'est autre qu'Andrzej Sekulais, celui là même qui a mis en scène "Reservoir Dogs" et "Pulp Fiction" de Quentin Tarantino, des similitudes très nettes étant visibles pour un oeil averti. Des images fortes et choquantes sont présentes tout au long du film, et on se sent pris d'affection pour ce psychotique en puissance, malgré tous les efforts du scénario pour nous le faire détester. Peut être parce qu'il émeut en chacun de nous une parcelle de pulsions inassouvies ? Si ça se trouve, du Bateman se trouve en chacun de nous...

mercredi 21 novembre 2007

Brazil

Génie visionnaire et savant mélange d'humour noir corrosif et de pessimisme abusif, "Brazil" (qui aurait dû s'appeler "The Ministry Of Torture") est le chef d'oeuvre imcompris par les producteurs hollywoodiens. Terry Gilliam nous emmène dans sa vision personnelle du monde, mais partagé secrétement par le plus grand nombre. Il brise les tabous les uns après les autres grâce à un aspect kitsh rassurant et à des répliques fines disséminées tout au long du film. Dans un futur pour le moins détestable, le réalisateur soumet les citoyens de son monde perturbé à rude épreuve. Dénonçant la montée en flèche du capitalisme et l'étouffement des classes moyennes, Gilliam use d'un univers teinté de Kafka et d'Orwell. Véritable fourmilière grouillant d'hommes d'affaires, surveillance exagérée des entreprises, ascension sociale rocambolesque, le monde de "Brazil"(inspiré très fortement de la ville côtière de Port Talbot pour ses usines grisaillantes) est pessimiste et froid: l'humanité n'existe plus qu'en rêve.

Le cinéaste utilise les sentiments et leurs contraires pour nous bousculer les méninges. Si vous croyiez avoir affaire à un divertissement, passez votre chemin. Sous ses aspects comiques (n'est pas ex Monty Python qui veut...), le film se veut terriblement sérieux. Une satire de la société en bonne et due forme se délivre sous nos yeux, ébahis par la fabuleuse ingéniosité de l'esprit surréaliste de Gilliam, mais également par la photographie sublime et stylée, et qui sert la narration sur le long terme. Les acteurs ont, quant à eux, été triés sur le volet. De Pryce en passant par De Niro, avec une possibilité pour Madonna à la place de Kim Greist, tout est permis dans le casting, aussi hallucinant que le scénario.

Fourmillant de quiproquos insensés, l'enchaînement de scènes fantaisistes ne fait qu'accroître un intérêt déjà très vif pour un film mature et engagé tant sur le fond quand sur la forme. Plongée inéxorable dans le second degré et l'univers métaphorique anglais, Terry Gilliam arrive à nous submerger d'informations, sans que l'ennui se fasse sentir. La fin, cruellement noire, fait frissonner jusqu'au générique de fin, en totale paradoxe avec la musique d'Arry Barroso, élément moteur du film. "Brazil" est le summum de la science-fiction, à hauteur d'un "Blade Runner" ou d'un "2001: A Space Odyssey".

dimanche 11 novembre 2007

Blood Simple

Alfred Hitchcock a dit: "Tuer quelqu'un est très dur, très douloureux et très...très long". On a toujours tendance à vouloir en faire trop pour son premier coup d'essai. Les frères Coen ont compris qu'il fallait montrer le principal , mais avec une netteté irréprochable. "Blood Simple" (Sang pour sang) est leur mètre étalon, et tout le reste de leur carrière va se baser sur ce film aux qualités multiples. Bien que des idées de plans soient utilisés dans ce long métrage, elles ne seront jamais reprises par la suite. Et c'est ce qui fait l'originalité de l'œuvre et également son importance dans la filmo des deux frères. Des travellings surprenants, des fondus irréalistes, et des longueurs silencieuses à couper le souffle, le travail de mise en scène frôle la perfection.


Sans être généreux dans le scénario, les Coen ont décidé de mettre en place une méthode de travail qui leur est propre: faire du décor un personnage riche et vivant, un acteur à part entière dans le scénario tissé au fil d'or. Tout les ingrédients de la future renommée des cinéastes sont présents: personnages déjantés, humour cynique et calculé à la réplique près, longueurs insolentes, têtes d'affiches pas banales et suspense généreux. Le cocktail est ravissant dans cette ambiance de film noir des années 70/80, cultivée par des décors et des musiques triés sur le volet. Frances Mc Dormand, poulain des réalisateurs, est utilisée à très bon escient dans le rôle de femme fatale.

Le travail effectué pourrait s'apparenter à une prise en main pré-Fargo car des idées et même des plans de ce dernier sont déjà présents (idée de cacher le corps, scène du véhicule qui arrive au loin, Frances McDormand,...). Le titre du film est même un paradoxe avec la façon dont le protagoniste aura du mal à tuer le mari génant. Voyez dans "Blood Simple" un exercice de style très plaisant de ce qui deviendra les deux talents les plus prometteurs d'Hollywood. Les Coen sont là pour nous faire aimer le cinéma, et on le leur rend bien.

jeudi 8 novembre 2007

The Usual Suspects


Keyzer Söze, l’homme le plus insaisissable de tout les temps, est la personnification du Mal. C’est du moins ce que cherche à nous faire croire Brian Singer qui, après un "Public Access" assez moyen, nous livre là un bijou de toute beauté, tant dans le scénario que dans les références qui lui sont liés. En effet, "The Usual Suspects" lorgne du côté de "Kiss Me Deadly" (En quatrième vitesse) ou "Double Indemnity" (Assurance sur la mort). Polar noir et sans faille, le film du cinéaste tout jeunot à l’époque ne cesse de nous surprendre par son incroyable maturité et son twist final impressionnant.

Intriguant et psychotique, le personnage phare de ce thriller à la dure est on ne peut plus mystérieux. Véritable mélange cosmopolite, de nombreuses personnes ont contribuées à l'apparence physique du tueur (réalisateur, cadreur, monteur et compositeur). Le budget alloué correspond à celui d'un film indépendant sans prétention, mais les techniciens chargés du plateur ont fait un travail incroyable: 35 jours de dure labeur pour terminer le bouclage du tournage, ce qui a permis d'élargir le budget restant dans une promo qui a ameuté les foules de nombreux horizons. Tout le monde s'est arraché le phénomène de société qu'est devenu "The Usual Suspects" lors de l'avant première à Cannes. Les critiques sont unanimes, les professionnels du métier restent sans voix. Ce film est LA grosse surprise du festival.

Christopher McQuarrie, ancien détective de profession et également scénariste de "Public Access", mais également scénariste et réalisateur de "The Way Of The Gun", s'est inspiré d'un fait divers afin d'alimenter son imagination créatrice. Keyzer Söze est ainsi identifiable au meurtrier sanguinaire John List, qui aurait massacré sa famille tout entière et se serait volatilisé durant 17 longues anées. Le titre est, quant à lui, un "plagiat" pur et simple du titre d'un article de journal lu lors de l'écriture du scénario. Le vrai miracle n'est pas tant dans la réalisation de Singer ou dans la musique absolument géniale composée par John Ottman, mais surtout dans le choix des acteurs. Gabriel Byrne revêt içi une nouvelle fois son costume de gangster après sa fabuleuse prestation dans le "Miller's Crossing" des frères Coen, Chazz Palminteri, qui a failli ne pas figurer dans le casting, nous montre sa prestance et une des facettes les plus impressionnantes que son talent peut révéler; quant à Kevin Spacey, il est tout naturel qu'il reçoive l'Oscar du meilleur acteur, aux côtés du créateur de son personnage qui recevra l'Oscar du meilleur scénario en 1996.

Sans contexte l'un des plus film les plus connus de l'histoire du cinéma contemporain, il prend vraiment toute son ampleur à la seconde diffusion, bien qu'inlassablement, vous dépasserez certainement la dizaine de projections après en être tombé amoureux tout comme moi...

mercredi 31 octobre 2007

Pulp Fiction

Fier de son succès dans les rassemblements les plus prestigieux de la planète, Tarantino aime à se faire plaisir en inventant une fresque de légendes urbaines et de discussions philosophiques, largement inspirés des séries B des années 30. Deux de ces histoires avaient été imaginées bien avant "Reservoir Dogs". Tarantino a écrit les textes en imaginant les acteurs à qui ils aimeraient faire endosser ses costumes. C'est donc ce qui fait la force de la direction artistique de "Pulp Fiction", cette corrélation entre les acteurs et leurs personnages: Samuel L. Jackson (qui aurait dû être Mr. Orange) et son pamphlet biblique laisse sur le carreau, John Travolta renaît de ses cendres avec un rôle cousu sur mesure, quand à Uma Thurman, il en fait l'objet de toutes les convoitises, montrant qu'il est le seul à savoir la diriger à sa juste valeur. Un divertissement pop et burlesque de haute volée, écrit à 4 mains avec Roger Avary. A la manière d'un "Mystery Train" de Jim Jarmush, "Pulp Fiction" est un véritable puzzle humain, où les incidents des uns ont des répercussions sur les vies des autres. Quelques rencontres inopinées entre des personnages appartenant à des segments différents, des situations pour le moins déjantées comme la scène de "La Crampe", le deuxième long métrage de l'enfant prodige fait des émules dans les 4 coins du globe.




Des récompenses à la pelle dont la tant convoitée Palme d'Or au Festival de Cannes 1994 (Oscar du meilleur scénario, 4 Independant Spirit Awards, critiques unanymes des reporters de Los Angeles et de New York). Il cumule les citations en tous genres (7 nominations aux Oscars, 5 aux MTV Movie awards). Les seconds rôles de "Reservoir Dogs" sont là aussi, mais Michael Madsen n'est pas à la fête (le rôle de Vincent Vega lui était pourtant destiné). "Pulp Fiction" rapportera au total 210 millions de $ à travers le monde, pour un budget ne dépassant pas les 8 millions de $ (budget rentabilisé en deux jours de salles). Agrémentant de manière toujours auss délicate son film de "fuck" (271 fucks, soit 19 de plus que dans "Reservoir Dogs"). Univers décalé et rétro, la BO ne fait que conforter notre idée du génie. Musiques radiodiffusées à l'infini sur les ondes américaines dès lors de la sortie du film, c'est un véritable succès planétaire. Les anti-héros de ce film sont des marginaux en quête d'action et de fureur. L'adrénaline remplace leur sang et leur vie n'est faite que pour détruire ou ce qui s'en rapproche le plus. Toujours à la frontière des limites humaines, certains chercheront à changer radicalement de vie comme Samuel L. Jackson à l'issue du film. D'autres auront un destin beaucoup moins enviable...

Homophobie fréquente mais plus contrôlée et scènes sadiques suggestives mais pourtant si choquantes, "Pulp Fiction" ne fait pourtant pas dans la dentelle malgré ces airs de film pour ados. Loin de la violence des montages hollywoodiens où le grain de l'image échappe à l'oeil du spectateur, Tarantino prend bien son temps afin de nous amadouer et nous faire rentrer dans sa morale, pour que, par la suite, celle-ci soit acceptée et partagée. La femme prend une place prépondérante dans cette oeuvre, contrairement au "Reservoir Dogs" machiste. Le style s'est affiné, l'écriture n'en a pas besoin. Des dialogues toujours aussi ciselés, des citations et des interventions qui font mouche, la parlotte est un élément indispensable à son univers. La mise en scène n'est pas aussi virevoltante que dans son oeuvre précédente. Içi, le cadre est immobile et on se concentre sur chaque détail. Certains pourrait voir dans ce film un nouveau summum de racisme du fait de son vocabulaire osé, mais également du fait que Jules et Vincent justifie leurs crimes par le biais de la Bible. Tarantino ne cherche qu'à prendre à revers le cinéma, devenu trop formel et trop codé pour lui, qui ne retrouve plus les audaces d'antan et qui cherche à faire aimer les vieux classiques à des jeunes qui ne trouve que dans le cinéma un divertissement, en fait, assez factice.

Taxi Driver

Martin Scorsese reçoit un jour des mains de Brian De Palma le script qui lui ouvrira la voie de la reconnaissance éternelle dans le cinéma contemporain (De Palma n'est pas son meilleur ami pour rien). Ecrit par Paul Schrader, un ancien critique de cinéma à la verve cynique et acerbe, travaillant dans un quotidien indépendant de Los Angeles, "Taxi Driver" n'est rien d'autre que le chef d'oeuvre incontestable du réalisateur. Résolument personnel et profondément tragique et sombre, Martin Scorsese voit ce film comme une autobiographie impersonnelle et se reconnaît immédiatement dans le personnage principal. Ses producteurs, étant en désaccord avec lui car n'ayant pas livrer un seul film étonnant à leur studio ("Who's That Knocking At My Door" et "Bertha Boxcar" font des bides énormes), ne lui permettent pas de critiquer d'un ton aussi glacial la société sans l'once d'une filmographie et d'une direction artistique hors pair. Voila comment né "Means Streets", premier fruit de la collaboration entre Robert De Niro et Martin Scorsese. Les studios sont fous de joie de voir un travail aussi élaboré pour un réalisateur indépendant et décide de lui confier le projet. "Taxi Driver" sera un tournant brutal dans la carrière du cinéaste.
Par le biais d'une mise en scène intemporelle et quasiment hypnotique, le réalisateur se met à la place de Travis Bickle, un chauffeur de taxi tout droit sorti de la guerre du Vietnam. Accentuant la paranoia et la solitude de l'homme par cette caméra qui se déplace autour de lui, tel un témoin invisible de l'enfermement d'un honnête citoyen dans son propre délire compulsif, Martin Scorsese arrive à être les yeux de Robert De Niro, mais également les yeux du spectateur. L'absence de but dans la vie de l'homme renforce cet impression d'isolement. Il ne vit que pour travailler et demande même à faire des heures supplémentaires, travaillant parfois 6 jours par semaine. En conflit permanent avec lui-même, il tente à certaines reprises de reprendre le dessus et pense avoir trouvé l'amour de sa vie en la personne d'une militante politique nommée Betsy. Incapable d'aimer comme tout un chacun, il la perdra et considérera dès lors que l'amour l'a abandonné. Il tentera de relier avec sa famille par l'intermédiaire d'une carte postale, l'écriture semblant être son seul moyen d'expression pouvant porter ses fruits (le fait que la caméra soit constamment présente et que l'on connaisse les moindres détails de son journal intime nous aide énormément à comprendre le personnage). Travailler dans les années 70 en tant que chauffeur de taxi n'est pas chose aisée d'après Travis, imperturbable dans son travail. Il prend tout et n'importe qui dans son taxi, les emmenant n'importe où. Il n'a plus de frontières et est confronté à la frustation d'un monde décadent dans lequel la nuit prend le pas sur le jour, confronté à des personnages tout droit sortis de Sodome et Ghomorre.
Sa rencontre fortuite avec l'un de ses "déchets" de cette société pourrissante, Iris, lui ouvrira les yeux sur son propre destin. Il tentera ainsi de libérer l'un des agneaux perdus de Dieu en sacrifiant sa vie au profit de la liberté d'un être qui lui est cher. Cette fin, qui a été en partie réalisé par Steven Spielberg pour l'accentuation de la violence, sera le point d'orgue du film, come si ce moment était inévitable, et que chacun d'entre nous connaissait l'issue sans même s'en rendre compte.
Perdant l'amour de sa vie et refusant un amour accessible. Tentant de tuer celui qui représente le père de l'une et assassinant froidement celui qui remplace le père de l'autre. Robert De Niro, convaincant et engagé dans son rôle, ira même à l'improvisation, demandant au scénariste lui même si son personnage aurait pu dire cette fameuse réplique: "Are you talking to me ?". Cercueil métallique flottant dans les égouts d'un New York dépravé post-Vietnam, le taxi de Travis représente le seul besoin matériel dans ce monde où chaos et confusion se mèlent au quotidien. La musique, signée Bernard Hermann, est nostalgique et terrifiante, empruntant au jazz de l'poque cette nostaligie tétanisante que seul le saxophone peut faire ressentir. Alliant le génie d'un réalisateur du Nouvel Hollywood et la justesse d'un acteur à la prestance inhabituelle, "Taxi Driver" gagnera, sans aucune prétention au départ, la tant convoitée Palme d'or à Cannes en 1976, ainsi que la faveur des critiques de la presse spécialisée.

mardi 30 octobre 2007

Requiem For A Dream

Véritable lobotimisation télévisuelle et pharmaceutique, "Requiem For A Dream" dénonce très clairement les méfaits de la drogue et de la télé sur les corps humains sensibles, voire dépressifs, victimes de choix pour une aliénation à haute dose. Sans pour autant prendre parti contre la drogue et ses conséquences, Aronofsky se contente de nous délivrer un message à travers la vie chaotique d'un adolescent et de son entourage (mère, meilleur ami, fiancée). Adaptation plus que réussie d'un best-seller d'Hubert Selby Jr. (l'un des auteurs les plus controversés aux Etats-Unis), ce film met en exergue ce qu'il y a de plus malsain en nous, tout en noyant le malaise immersif de la mise en scène sous une histoire romantique, à la manière d'un "Romeo and Juliet".
Avec une technique qui lui est propre, le cinéaste tente de recréer l'univers insondable de "Pi", tout en changeant son thème principal. La photographie est délicieusement belle, contrastant parfaitement avec ce qu'elle cherche à montrer: un univers fébrile et malade, en marge de la société. Car les personnages de Selby Jr. sont des marginaux à n'en point douter. Ils s'imposent leur prore lois, leurs propres règles, laissant de côté la vie en société. On le voit très bien à la surprise de Jared Leto vers la fin du film lorsque la société le rattrape à temps (prison, prise en charge de l'hopital,...). Ils se croient abandonnés de leur pays et de Dieu, à l'instar de Travis Bickle dans "Taxi Driver" de Martin Scorsese. Le Requiem, tiré d'une symphonie de Mozart, accompagne chaque crise, chaque dépression, chaque élément nouveau dans la plongée du côma conscient. La composition absolument terrifiante de Clint Mansell est formidable. Cette ambiance noire qui ressort à chaque note donne lieu à des sursauts et des nausées pour le spectateur, plongé tel un junky dans la vision d'un monde qui s'offre pour la première fois à ses yeux, preuve que chacun d'entre nous ferme les yeux sur la réalité de notre société actuelle.


Primant le beau pour mieux faire ressortir le laid, Aronofsky s'engage à nous livrer une photographie sans artifices, avec des couleurs chatoyantes dans la première moitié du film, mais noircissant son tableau lorsque le malaise devient glauque et constant. La caméra ne correspond ni plus, ni moins qu'au regard d'un cinéaste rationnel sur un monde qu'il juge irrationnel. S'enfermant dans une solitude et un individualisme sans faille, les acteurs reprennent une position foetale à la fin du film, synonyme d'enfermement et de protection. L'effet clipesque de la mise en scène ajoute un sentiment subliminal à ses images crues et dénués de toute prise de position, ne servant qu'à relater les faits et méfaits. Aronofsky annonce l'arrivée d'un genre nouveau, sans censure et sans mensonges, et s'installe comme l'un des réalisateurs les plus audacieux du XXI ème siècle.