mercredi 21 novembre 2007

Brazil

Génie visionnaire et savant mélange d'humour noir corrosif et de pessimisme abusif, "Brazil" (qui aurait dû s'appeler "The Ministry Of Torture") est le chef d'oeuvre imcompris par les producteurs hollywoodiens. Terry Gilliam nous emmène dans sa vision personnelle du monde, mais partagé secrétement par le plus grand nombre. Il brise les tabous les uns après les autres grâce à un aspect kitsh rassurant et à des répliques fines disséminées tout au long du film. Dans un futur pour le moins détestable, le réalisateur soumet les citoyens de son monde perturbé à rude épreuve. Dénonçant la montée en flèche du capitalisme et l'étouffement des classes moyennes, Gilliam use d'un univers teinté de Kafka et d'Orwell. Véritable fourmilière grouillant d'hommes d'affaires, surveillance exagérée des entreprises, ascension sociale rocambolesque, le monde de "Brazil"(inspiré très fortement de la ville côtière de Port Talbot pour ses usines grisaillantes) est pessimiste et froid: l'humanité n'existe plus qu'en rêve.

Le cinéaste utilise les sentiments et leurs contraires pour nous bousculer les méninges. Si vous croyiez avoir affaire à un divertissement, passez votre chemin. Sous ses aspects comiques (n'est pas ex Monty Python qui veut...), le film se veut terriblement sérieux. Une satire de la société en bonne et due forme se délivre sous nos yeux, ébahis par la fabuleuse ingéniosité de l'esprit surréaliste de Gilliam, mais également par la photographie sublime et stylée, et qui sert la narration sur le long terme. Les acteurs ont, quant à eux, été triés sur le volet. De Pryce en passant par De Niro, avec une possibilité pour Madonna à la place de Kim Greist, tout est permis dans le casting, aussi hallucinant que le scénario.

Fourmillant de quiproquos insensés, l'enchaînement de scènes fantaisistes ne fait qu'accroître un intérêt déjà très vif pour un film mature et engagé tant sur le fond quand sur la forme. Plongée inéxorable dans le second degré et l'univers métaphorique anglais, Terry Gilliam arrive à nous submerger d'informations, sans que l'ennui se fasse sentir. La fin, cruellement noire, fait frissonner jusqu'au générique de fin, en totale paradoxe avec la musique d'Arry Barroso, élément moteur du film. "Brazil" est le summum de la science-fiction, à hauteur d'un "Blade Runner" ou d'un "2001: A Space Odyssey".

dimanche 11 novembre 2007

Blood Simple

Alfred Hitchcock a dit: "Tuer quelqu'un est très dur, très douloureux et très...très long". On a toujours tendance à vouloir en faire trop pour son premier coup d'essai. Les frères Coen ont compris qu'il fallait montrer le principal , mais avec une netteté irréprochable. "Blood Simple" (Sang pour sang) est leur mètre étalon, et tout le reste de leur carrière va se baser sur ce film aux qualités multiples. Bien que des idées de plans soient utilisés dans ce long métrage, elles ne seront jamais reprises par la suite. Et c'est ce qui fait l'originalité de l'œuvre et également son importance dans la filmo des deux frères. Des travellings surprenants, des fondus irréalistes, et des longueurs silencieuses à couper le souffle, le travail de mise en scène frôle la perfection.


Sans être généreux dans le scénario, les Coen ont décidé de mettre en place une méthode de travail qui leur est propre: faire du décor un personnage riche et vivant, un acteur à part entière dans le scénario tissé au fil d'or. Tout les ingrédients de la future renommée des cinéastes sont présents: personnages déjantés, humour cynique et calculé à la réplique près, longueurs insolentes, têtes d'affiches pas banales et suspense généreux. Le cocktail est ravissant dans cette ambiance de film noir des années 70/80, cultivée par des décors et des musiques triés sur le volet. Frances Mc Dormand, poulain des réalisateurs, est utilisée à très bon escient dans le rôle de femme fatale.

Le travail effectué pourrait s'apparenter à une prise en main pré-Fargo car des idées et même des plans de ce dernier sont déjà présents (idée de cacher le corps, scène du véhicule qui arrive au loin, Frances McDormand,...). Le titre du film est même un paradoxe avec la façon dont le protagoniste aura du mal à tuer le mari génant. Voyez dans "Blood Simple" un exercice de style très plaisant de ce qui deviendra les deux talents les plus prometteurs d'Hollywood. Les Coen sont là pour nous faire aimer le cinéma, et on le leur rend bien.

jeudi 8 novembre 2007

The Usual Suspects


Keyzer Söze, l’homme le plus insaisissable de tout les temps, est la personnification du Mal. C’est du moins ce que cherche à nous faire croire Brian Singer qui, après un "Public Access" assez moyen, nous livre là un bijou de toute beauté, tant dans le scénario que dans les références qui lui sont liés. En effet, "The Usual Suspects" lorgne du côté de "Kiss Me Deadly" (En quatrième vitesse) ou "Double Indemnity" (Assurance sur la mort). Polar noir et sans faille, le film du cinéaste tout jeunot à l’époque ne cesse de nous surprendre par son incroyable maturité et son twist final impressionnant.

Intriguant et psychotique, le personnage phare de ce thriller à la dure est on ne peut plus mystérieux. Véritable mélange cosmopolite, de nombreuses personnes ont contribuées à l'apparence physique du tueur (réalisateur, cadreur, monteur et compositeur). Le budget alloué correspond à celui d'un film indépendant sans prétention, mais les techniciens chargés du plateur ont fait un travail incroyable: 35 jours de dure labeur pour terminer le bouclage du tournage, ce qui a permis d'élargir le budget restant dans une promo qui a ameuté les foules de nombreux horizons. Tout le monde s'est arraché le phénomène de société qu'est devenu "The Usual Suspects" lors de l'avant première à Cannes. Les critiques sont unanimes, les professionnels du métier restent sans voix. Ce film est LA grosse surprise du festival.

Christopher McQuarrie, ancien détective de profession et également scénariste de "Public Access", mais également scénariste et réalisateur de "The Way Of The Gun", s'est inspiré d'un fait divers afin d'alimenter son imagination créatrice. Keyzer Söze est ainsi identifiable au meurtrier sanguinaire John List, qui aurait massacré sa famille tout entière et se serait volatilisé durant 17 longues anées. Le titre est, quant à lui, un "plagiat" pur et simple du titre d'un article de journal lu lors de l'écriture du scénario. Le vrai miracle n'est pas tant dans la réalisation de Singer ou dans la musique absolument géniale composée par John Ottman, mais surtout dans le choix des acteurs. Gabriel Byrne revêt içi une nouvelle fois son costume de gangster après sa fabuleuse prestation dans le "Miller's Crossing" des frères Coen, Chazz Palminteri, qui a failli ne pas figurer dans le casting, nous montre sa prestance et une des facettes les plus impressionnantes que son talent peut révéler; quant à Kevin Spacey, il est tout naturel qu'il reçoive l'Oscar du meilleur acteur, aux côtés du créateur de son personnage qui recevra l'Oscar du meilleur scénario en 1996.

Sans contexte l'un des plus film les plus connus de l'histoire du cinéma contemporain, il prend vraiment toute son ampleur à la seconde diffusion, bien qu'inlassablement, vous dépasserez certainement la dizaine de projections après en être tombé amoureux tout comme moi...